mercredi 26 novembre 2025

Le Silencio va au Cinéma: "Dossier 137", Dominik Moll, 2025, vu par Brigitte

 



Dossier 137 ou
"A quoi sert votre travail?"

Synopsis (Allociné)

Tout public

"Le dossier 137 est en apparence une affaire de plus pour Stéphanie, enquêtrice à l’IGPN, la police des polices. Une manifestation tendue, un jeune homme blessé par un tir de LBD, des circonstances à éclaircir pour établir une responsabilité... Mais un élément inattendu va troubler Stéphanie, pour qui le dossier 137 devient autre chose qu’un simple numéro."

Dans ce nouveau film, Dominik Moll s’intéresse à nouveau à l’univers de la Police. Il reconstitue l’affrontement des Gilets Jaunes et des forces de Police, à Paris, la nuit du 8 décembre 2018. Un tir policier blesse gravement à la tête un jeune homme; l’IGPN enquête.

Trois ans après "La nuit du 12", il braque cette fois-ci sa caméra sur le travail des services de l’IGPN, l’Inspection Générale de la Police Nationale, couramment surnommée " la Police des Polices".

A la fin du film, une question s’impose: 

 quel but a poursuivi Dominique Moll en réalisant ce film?

On en ressort pas convaincu,  spectateurs des affrontements mis sous cloche. Le propos est lisse, très écrit, au service de qui ou de quoi? A la différence des policiers, le film manque sa cible.


mardi 25 novembre 2025

Le Silencio va au cinéma : L'accident de piano, Quentin Dupieux, 2025

 


Provocateur, poussé à l'extrême, satyrique.

Même pas absurde, juste Dupieux. 

Il a du talent Dupieux. Il fait croire à l'absurde en caricaturant à peine les dérives du monde d'aujourd'hui. Ce monde dans lequel il est si facile de se vautrer lamentablement. Quelle misère!

Que voit-on durant tout le film ? Une pauvre fille qui ferait n'importe quoi pour qu'on la regarde. 

Que son père la regarde comme il se gausse devant ces émissions vulgaires qui lui apportent tant de bonne humeur à coup de coups de poings humiliants, de coups de batte bêtifiants, de défis avilissants... 

Message numéro 1: être vulgaire, bête et méchant est ce qui plaît au plus de gens. "J'étais jalouse", dit Magalie. Jalouse de quoi ? De ne pas ressentir de douleur ? De ne pas être vue par des millions de personnes? Ou de ne pas faire rire son père ? Est-ce pour le faire rire ou pour tester la douleur qu'elle s'électrocute volontairement? 

Pari (s) gagné(s) ! L'algorithme s'emballe au rythme étourdissant des like en cascade. La voilà influenceuse, et riche à millions. L'histoire ne dit pas si elle incite des esprits ramollis à tenter les mêmes expériences. On l'aime. A la folie. Et c'est ce qu'elle veut. Qu'on la désire. Il est évident pour "Magaloche" que la journaliste (magistralement interprétée par Sandrine Kiberlain) n'a pour elle qu'une passion dévorante. Magalie  finit très vite par gagner trop d'argent, (message numéro 2: il est très facile de gagner de l'argent), les réseaux sont friands de ces appels à la violence (message numéro 3), trop au goût de ses parents, qui la mettent dehors. D'autres Thénardier auraient cloîtré la poule aux œufs d'or! Mais c'était sans doute leur prêter trop de vivacité d'esprit. Message n°4: chacun pour soi!

Alors bien sûr, il y a une morale. A vous de trouver la vôtre! Le film est un lent suicide de cette jeune fille, (de la jeune génération?), qui après avoir perdu tout sens de relations humaines pour en avoir été exclue, prend enfin conscience de l'impasse dans laquelle elle se trouve. 

Le duel Magaloche/ Simone est savoureux (dialogues percutants et personnage de Sandrine Kiberlain particulèrement bien écrit), la relation Patrick-Magalie sado-maso à souhait (de la voir se terminer est une réelle libération, Victoire! Magaloche reçoit une belle claque! Et c'est le début de la fin...) 

Oui, Quentin Dupieux a du talent. Celui de pousser à l'extrême des vérités qui nous choquent. Et comme toute caricature, elle pointe une société en danger. 

Mais là où "Yannick" nous surprenait de scène en scène, où "Le Daim" jouait d'une violence banalisée à l'absurdité (excellente Adèle Haenele), où  "Deuxième Acte" comme "Daaaaaali" étaient écrits avec une invention sans cesse renouvelée sur le traitement des personnages... j'ai trouvé trop vide le personnage de Adèle Exarchopoulos, et l'humour noir de Quentin Dupieux moins efficace que dans d'autres de ses films. Peut-être suis-je trop inquiète sur les vérités du monde actuel qu'il dépeint...

Attendons le prochain!


vendredi 14 novembre 2025

Festival Empire: Vera Cruz, Robert Aldrich, 1954-Jeudi 20 novembre 2025, Le France , Thonon

 



        Séance Spéciale 
Festival Empire de Thonon


    Pour la deuxième année consécutive, 
le Silencio Club Ciné s'associe à la Ville  de Thonon 
 à l'occasion de son Festival Empire.
 Une façon de participer à la vie culturelle
 d'une des deux communes, avec Evian, qui nous soutiennent.
L'Empire, ce n'est pas que Napoléon Ier. 
Et qu'importe qu'on y adhère ou pas, 
c'est un tournant de l'histoire à garder en mémoire.
 Nous avons donc choisi pour cette deuxième édition
 de nous pencher sur le Second Empire, 
celui de Napoléon III, neveu du premier.

Rares sont les films qui ont traité cette période, 
pourtant très intéressante - comme chacune -
 d'un point de vue choc des cultures, 
de l'évolution des différentes sociétés, 
de chaque côté de l'océan. 
    En 1954, Robert Aldrich, encore jeune cinéaste, 
s'empare d'un événement charnière
pour s'affranchir des codes du western,
 genre identitaire depuis 1920 du cinéma hollywoodien.
    "Vera Cruz" est un film politique, 
même s'il n'a pas été perçu comme tel,
 traitant de bouleversements historiques simultanés
 étrangement coïncidents:
 la guerre civile au Mexique, 
l'expansion de l'Empire européen, 
les liens manipulés entre la France, L'Allemagne, 
l'Angleterre, l'Autriche-Hongrie,
 l'Espagne et le continent américain. 
Il a été réalisé envers et contre
 le Maccarthysme, sans officiellement l'afficher, 
avec le soutien incontestable du Mexique, 
terre d'asile des opinions pourchassées
 par les Etats-Unis.

    Laurent Le Forestier
professeur de cinéma à Lausanne,
 nous a permis d'entrer dans ce film
 avec un regard averti, 
après une présentation succincte mais riche, 
et d'en revenir prêts à être éclairés sur:
    -le contexte historique
    -le contexte cinématographique
    -le western classique et ses codes, 
mués vers ceux d'un nouveau type, 
dont Sergio Leone et 
d'autres cinéastes du western spaghetti 
feront leur nouvelle grammaire.
        
    Vera Cruz, un convoi de bas-instincts:
La guerre de Sécession finie, certains soldats
 démobilisés et sans attache partent 
à l'aventure au Mexique 
où se déroule une guerre civile.
 Elle oppose les partisans de Benito Juárez
 à ceux de l'empereur Maximilien,
 imposé par Napoléon III. 
Chacun des deux camps 
recrute à tour de bras pour étoffer ses troupes.
Benjamin Trane, ancien colonel sudiste,
 ainsi que Joe Erin et sa bande de brigands, 
sont sollicités par les deux camps. 
Le marquis Henri de Labordère, lié à Maximilien, 
propose aux deux hommes une mission dangereuse :
 escorter le carrosse de la comtesse Marie Duvarre 
qui se rend à Vera Cruz.
 Ils ne tardent pas à soupçonner des raisons 
plus impérieuses à ce voyage et chacun va jouer
 de ruse, de traitrise et d'amoralité 
pour s'approprier la fortune prise au Mexique
 que transporte en réalité le carrosse.
  
        Avec 
Burt Lancaster (Joe Erin
Gary Cooper (Benjamin Trane) 
Denise Darcel (la comtesse Marie Duvarre)
 Sara Montiel (Nina)
George Macready (l’empereur Maximilien) 
Morris Ankrum (Général Ramirez)
Ernest Borgnine (Donnegan) 
Charles Bronson (Pittsburgh) 
Henry Brandon (Capitaine Danette)

     Contexte historique : 1866
La Guerre de Sécession vient de se terminer, 
laissant les sudistes vaincus. 
Le Mexique est très endetté envers l'Espagne, 
l'Angleterre, La France. L'Empereur Napoléon III
 envoie alors Maximilien de Habsbourg, 
archiduc autrichien, récupérer son dû. 
Il lui promet un trône au Mexique, 
alors sous le gouvernement de Benito  Juárez.
Il espère ainsi avoir un contrôle sur le Panama
 et faire contrepoint à la puissance américaine.
 Mais l'intervention ne se passe pas bien. 
Il est donc décidé qu'une diligence sera apprêtée
 pour ramener la comtesse, et surtout le trésor. 
Tout le scénario du film était là!
    Contexte cinématographique: 1954
En 1954, Robert Aldrich est un jeune cinéaste
 qui n'a réalisé que 2 ou 3 films. 
Il vient d'une grande famille américaine 
qu'il a quittée pour l'université,
 et surtout pour divergence d'idéaux.
 Très vite, il devient assistant à la mise en scène 
pour la télévision. 
C'est ainsi que Burt Lancaster le découvre. 
Celui-ci monte sa maison de production
 avec Harold Hecht, et James Hill. 
Il tourne le film Apaches (Bronco Apache) en 1954.
 Avant même d'en avoir commencé le tournage,
 Lancaster propose à Robert Aldrich
 la réalisation de Vera Cruz
    Le tournage au Mexique 
Le film a entièrement été tourné au Mexique, 
avec toute la bienveillance 
du gouvernement mexicain. 
Il faut dire que beaucoup d'américains (de gauche) 
sont surveillés par le maccarthysme 
qui sévit aux Etats-Unis. 
C'est le cas de Lancaster et Aldrich,
 et même de Gary Cooper, qui reste prudent 
dans ses déclarations: 
il n'aurait jamais accepté de scénario 
défendant des idées communistes,
 soutenait-il, 
 comme il maintenait ne pas se souvenir
 de titres à révéler
 qui auraient pu dénoncer certains auteurs...

    Vers un nouveau western
 Les années 1920, premier âge d'or du western, 
marquent la codification du genre. 
Il visait alors essentiellement à légitimer
 l'histoire américaine, la conquête de l'Amérique. 
Les autochtones? Des sauvages qu'il fallait dominer 
pour pouvoir s'installer sur ces terres 
qui promettaient un nouveau départ!
 Robert Aldrich se retrouva dans son élément 
avec le scénario écrit par R. Kibbee et J. R. Webb,
 d'après la nouvelle, Vera Cruz, de Borden Chase
Il allait renverser tous les codes. 
Ne serait-ce que dans la liberté prise 
au niveau de la méthode de travail:
 "On terminait le script cinq minutes avant d’aller filmer :
 on s’asseyait autour d’une table pour construire chaque scène
 et puis on la tournait telle qu’elle venait d’être écrite." 

    De nouveaux codes:
  • La caméra subjective: un usage moindre, pour un autre message
 Le western classique usait entre autres
de la caméra subjective.
 L'idée était que le spectateur se projette
dans la peau du héros américain,
 s'identifiant ainsi à un conquérant, 
vainqueur et fier de pouvoir
amener la bonne parole aux indigènes,
et d'apporter le modernisme et les avantages
 de la civilisation dont les européens étaient détenteurs.
 Les personnages avaient des valeurs morales fortes
qui devaient conforter celles des spectateurs. 
 Le scénario suivait un schéma réglé 
comme du papier à musique,
 tout comme la mise en scène et le ton des films.
 La violence était présente, mais toujours légitimée.

 A contrario, dans Vera Cruz
on ne trouve que deux ou trois fois
 l'usage de la caméra subjective. 
Non pour donner envie au spectateur de s'identifier à un modèle,
 mais plutôt pour le mettre en situation d'inconfort, de culpabilité.
 Chaque fois qu'un Mexicain est tué avec cruauté,
 la prise de vue nous place face à l'horreur: 
-lorsque le Juáriste entre dans le carrosse,
 il est tué sans pitié par la comtesse,
en plan fixe bien de face; 
-lorsqu'un autre Mexicain est éventré par un lancier,
 on enchaîne aussitôt sur Nina, 
nous associant ainsi à son impuissance terrifiée...
  • Héros/Anti-Héros:  une nouvelle façon de concevoir les personnages principaux
 Dans Vera Cruz, On n'est jamais dans une violence légitimée. 
Comment s'identifier à ces êtres sans âmes? 
Les enfants mexicains sont pris en otages dès la deuxième séquence. 
Et rien ne laisse croire que... "c'est du bluff". 
 De Joe Erin, bandit de grand chemin sans foi ni loi
 à Ben Trane, sudiste déchu et prêt à tout 
pour retrouver aventure et prouver sa valeur, 
en passant par les généraux de tous bords, 
c'est une véritable galerie de personnages 
cyniques, égoïstes, intéressés, cruels, 
avides et sans vergogne que met en scène Robert Aldrich. 
Burt Lancaster affiche un sourire carnassier ineffaçable, 
mais séducteur aussi. 
Gary Cooper, un silence de hyène, 
une assurance flegmatique.
 Il est pourtant montré dès le départ
 comme capable de sensibilité 
(gros plan sur sa main prenant le sabot de son cheval blessé). 
Mais il peut aussi tuer de sang froid, et sans vraiment de raison.
 Les bandits de Erin sont des brutes épaisses, grossiers et amoraux.
 Les femmes ne sont pas en reste: la comtesse Marie Duvarre
triche et ment à tour de bras et de séduction,
 tue sans scrupule le Juáriste qui monte dans son carrosse,
 ajuste sa stratégie toujours en sa propre faveur; 
Nina, quant à elle, vole et ment aussi.
 Elle a le mérite d'être mexicaine,
 et reste fidèle à ses convictions, à la cause juáriste. 
 Ces personnages, sans éthique, sans humanité, 
s'opposent au modèle de moralité à suivre que prônaient
 les réalisateurs du western classique. 
Ils s'opposent aussi au peuple mexicain. 
Peuple qui se dresse comme un seul homme
 pour encercler les "envahisseurs", 
qui prend les armes, certes, mais pour défendre une cause, 
et non pour s'attribuer richesse et puissance à titre personnel.
  • Des personnages inhumains, et pourtant surhumains.
 Les personnages principaux sont d'excellents tireurs
la compétition est rude. 
Ils ont des qualités d'habileté quasi surhumaines... 
qu'ils utilisent à des fins voraces et cupides. 
Aucune noblesse d'âme, aucune élégance.
 Et si jamais l'un glisse en ce sens, 
sa faiblesse est pointée du doigt.
 Ben aime trop les humains au goût de Joe, qui le dédouane de ce travers 
après qu'il a tué sans raison valable.
 En dévorant la viande à mains nues, 
Joe se fait moquer par les français et les autrichiens.
 Ben le concède, mais retourne l'insulte,
 avec finesse, contre les offenseurs.

Ni tout blancs, ni tout noirs, 
ces héros ne sont certes pas des modèles. 
Ce qui élève le niveau du western 
à celui de film d'aventures et de film noir.
 Adieu la morale, les spectateurs 
ne sont plus pris pour des brebis.
 Les Mexicains sont les seuls à se battre 
pour une cause, et non par convoitise.
Cette façon nouvelle de traiter les personnages 
est très politique.
 Pourtant, comme si de rien n'était, 
nul n'a été inquiété sur le tournage.      
  • Une violence crue: 
 Guerre de sécession, 
guerre civile du Mexique, 
présence de forces armées étrangères... 
Le terrain est miné. 
On ne peut s'attendre à de la légèreté et de l'humour.  


Cependant, Robert Aldrich malmène le spectateur en jonglant avec ses émotions les plus extrêmes. 
 Car violence il y a . Une violence crue. 
De la tentative de viol de Nina par Pittsburgh (Charles Bronson)
sous le regard pervers des bandits
à l'exécution sadique du Juáriste 
par les lanciers français
 ("-Pourquoi ne pas le lapider?
 -Il faut bien un peu de spectacle!"), 
 en passant par le coup fatal de Joe dans la gorge de son dernier acolyte
pour ne pas avoir à partager le trésor... 
Même ce qui se pose comme relation amoureuse commence dans la violence.

 C'est parce que Joe frappe Marie
 qu'elle succombe à son charme! 
Et il ne fait pas semblant!
Pas d'effusions de sang comme on en trouvait
 dans le western classique, mais une violence gratuite 
où le sang froid rivalise avec le plaisir.
  • L'humour 
 A cela se mêle un humour véritablement impudent, 
des caractères effrontés et insolents,
 un ton plein de vivacité et de légèreté
 malgré la noirceur des personnages et du propos.
 On rit 
quand Joe est humilié par les généraux, 
on rit encore plus 
lorsque l'insulte se retourne contre eux.
 On rit de les voir se moquer du savoir lire et écrire des Mexicains,
 car ces balourds sont de suite raillés pour être eux-mêmes ignares. 
L'humour, noir, est dans les dialogues,
 ("Vous devenez français!"), 
les situations, les retournements. 
Et il permet de supporter la violence sous-jacente. 


  • Robert Aldrich, un réalisateur audacieux
 L’apport de Robert Aldrich est évidemment primordial 
dans cette entreprise de destruction 
des codes du western classique.
Cette audace incroyable, 
pour un réalisateur qui n’en est alors qu’à son quatrième film, 
témoigne de l’esprit franc-tireur qui anime cet artiste hors norme.
 On pourrait encore s'attarder 
sur la construction circulaire 
de la mise en scène
 (Ben arrive seul, et repart seul),
 ainsi que sur celle des images
 (cercle des enfants , cercle des Mexicains, 
cercles des roues de charriot, des mitraillettes...) 

 On pourrait s'étendre sur les jeux de symétrie, 
(symétrie des couples, des individus en miroir),
 sur les rapports américains-mexicains
 (Les Mexicains dominent du haut de la montagne, 
les Américains descendent de la montagne et ainsi de leur piédestal).
 On pourrait s'étonner du sentiment d'anachronisme, assez extraordinaire, que provoque la coexistence
 de sociétés aussi différentes que celles 
des soldats de l'Empire avec sabres, et armures, des Américains avec fusils et pistolets, mitraillettes, jeans, chemises et chapeaux,
 des Mexicains en vêtements de toile blanche, chapeaux de paille, 
sans protection aucune, autre que leurs
fusils et couteaux). 
 On pourrait remarquer la présence 
des pyramides aztèques qui semblent narguer les représentants de l'Empire et leurs colonnes.
On pourrait...
On pourrait...
    Quelques scènes en illustration:
- Ben Trane tend la main pour soulager la douleur de son cheval; 
Joe Erin tend la main pour recevoir de l'argent:
 l'un est sensible, l'autre est cupide.
- Le "couple" de Ben et Nina fait face à "celui" de Burt et Marie,
 le premier étant porté par la cause (revirement final comme une prise de conscience de Ben), le second par la rapacité.
- La scène de la réception et des repas des colons chics et guindés répond à la fête des Juáristes sur la place du marché.

On pourrait encore repérer des influences, passées ou à venir, 
des images fordiennes, comme la scène après le premier guet-apens,
des rapports avec Sergio Leone, 
dans la reprise de ces nouveaux codes,
 le choix de certains acteurs (Charles Bronson en homme à l'harmonica;
 Ernest Borgnine en éternel méchant) 
ou d'autres réalisateurs comme Nicholas Ray (la présence de deux femmes dans Johnny Guitare) ou encore John Ford (le capitaine dans La Princesse du Désert). 

 Vera Cruz a été très bien accueilli en France.
 A la croisée des chemins du western "historique" et du film noir,
 il positionnait Robert Aldrich en l'un des jeunes cinéastes 
les plus prometteurs
  • Le Western a-t-il un avenir?
    De nos jours, le western s'efface.
 Quels enfants jouent encore aux cow-boys et aux indiens? 
Les figurines du Far-West ont laissé place 
aux personnages d'héroïque fantasy.
 Les nostalgiques du genre sont à l'affût des Kevin Costner,
 Quentin Tarantino et autres frères Cohen. 
Mais ceux-ci s'adaptent aux préoccupations actuelles.
 Les codes ont changé avec Aldrich puis le western spaghetti.
 Ils changent encore pour s'adapter aux nouveaux spectateurs,
 et aux nouvelles sociétés.
 Le Western est-il mort, ou sera-t-il régulièrement renouvelé, 
lui qui est né avec le cinéma, et reste le genre 
le plus emblématique du cinéma américain?
 Il demeure passeur d'une période historique importante, 
sur laquelle nos regards continueront d'évoluer.

Nous avons eu plaisir à voir ou revoir 
ce chef d'œuvre du cinéma hollywoodien. 
 Programmer un western au cœur d'un festival sur l'Empire
 pouvait paraître surprenant, mais cela permettait
 de l'inscrire dans un contexte international.
 Il était fascinant de prendre conscience que
 la coalition entre les peuples ne date pas d'hier, 
et que ses moteurs les plus puissants ne sont pas souvent 
alimentés par les meilleurs carburants.

Merci à Laurent Le Forestier d'avoir éclairé notre lecture. 
Et merci au public d'avoir enrichi les échanges 
de leur propres connaissances!


Retrouvez-nous sur notre site
silenciocineclub.fr

Et bien sûr, à nos séances ! 

La prochaine aura lieu 
Jeudi 27 novembre, à 20h, 
au cinéma Le France (Thonon):

Persepolis, de Marjane Satrapi, 2007
Le film sera présenté par 
Adèle Morerod, historienne de cinéma.

Merci de votre fidélité 😉🎬

jeudi 13 novembre 2025

Le Dernier Visiteur (Camille Ponsin-2023), vu par Brigitte et Jean-Pierre : Un rappel nécessaire et revigorant

 Les membres du Silencio suivent actuellement la manifestation CHEMIN DES TOILES qui propose la projection de 73 films documentaires dans 52 bibliothèques communales de Savoie & Haute-Savoie, en ce mois de Novembre ; 43 de ces films se déroulent en présence du réalisateur(trice), ou d’un(e) intervenant(e) du film.

Ainsi hier soir nous avons vu LE DERNIER VISITEUR, de Camille Ponsin (2023).



Ce film, d’une grande humanité, nous immerge dans le quotidien d’un jeune médecin de campagne (33 ans), humble, doux, vraiment présent, à l’écoute de chacun de ses patients; il est mû par la vocation d’être au chevet de ceux qui en ont le plus besoin du fait de leur vieillissement, du fait de leur isolement,  du fait de leur silence. La médecine à hauteur d’hommes et de femmes, à qui le respect et l’empathie sont dus. En écho résonnent en toile de fond les mots précis du serment d’Hippocrate auquel ce jeune médecin est fidèle par une conviction personnelle ancrée depuis toujours. Ces mots sont forts, hauts et clairs pour nous rappeler ce que devrait être la noble tâche de prendre soin des autres. Un rappel nécessaire et revigorant.

 A l’issue de la projection, nous avons rencontré brièvement la monteuse du film, Annabelle JANJAUD. Elle accompagne ce film durant 1 mois dans la région. Elle est d’accord pour nous parler de son travail de monteuse et de réalisatrice. Elle va ainsi contribuer à la rubrique "Les métiers du Cinéma" sur le site internet du Silencio.


Brigitte et Jean-Pierre

mercredi 12 novembre 2025

Frankenstein, Guillermo Del Toro, 2025,vu par Céline

 La lecture de "Frankenstein" de Mary Shelley m'avait touchée au plus profond. 

Le film m'a donné envie de m'y replonger pour y retrouver le fantastique mélange entre drâme et épouvante que je n'ai pas reconnu dans l'œuvre de Guillermo de Toro. 

Superbe par ailleurs. 

Costumes et décors sont impressionnants. Elisabeth flotte telle un papillon dans ses robes aux camaïeux de vert émeraude rivalisants avec les toilettes les plus improbables des princesses de contes de fées. 

La Tour Laboratoire que Frankenstein demande à son jeune frère de préparer à ses expériences est digne des décors de Harry Potter. Un peu trop Disney à mon goût cependant. Les diodes gigantesques créées pour recueillir et transformer l'énergie des éclairs en électricité foudroyante et divine sont assez convaincantes mais détonnent un peu par leur aspect "capsules de l'espace" . Les décors du bâteau capturé par les glaces polaires et son équipage nous transportent dans des voyages épiques de Jules Verne.

 Les scènes de refuge e


t d'attaques de loups sauvages dans la forêt mêlent contes nordiques et héroïque fantasy. Parenthèse savoureuse. 

Mais l'épouvante est remplacée par la romance. Le "monstre" qui comme on le sait est moins monstre que son créateur Victor Frankenstein, devient de moins en moins terrifiant, s'il l'a été à un seul moment. Il est de plus en plus beau même, avec un maquillage qui fait penser à ceux des populations punk ou New âge, qui n'ont rien de révulsants. Elisabeth en tombe éperdument amoureuse à l'instant où elle le voit, séduite par son côté fragile de bestiole capturée à étudier, ce dont elle n'a pas conscience, et par la pureté de son cœur qu'elle reconnaît immédiatement. 

Victor vit pour elle une véritable romance également. Il délaisse ses recherches pour tenter de la conquérir, se trouve giflé par le cinglant regard de la jeune femme fine, forte perspicace, et intelligente qui l'a attiré finalement dans sa toile. 

L'humanité de Victor se retrouve dans ses faiblesses: l'accueil chaleureux et protecteur qu'il offre à son jeune frère William prendra vite des airs de manipulation, de profit, voire de réelle  indifference.

Un film de grand spectacle, à l'esthétique réussie, aux jeux d'acteurs et actrice investis et justes. L'angoissante et poignante écriture de Mary Shelley m'a vraiment manquée. 

dimanche 2 novembre 2025

Céline a vu "Springsteen: Deliver Me from Nowhere", Scott Cooper, 2025

 



Springsteen: Deliver Me from Nowhere est une adaptation par Scott Cooper de Deliver Me from Nowhere: The Making of Bruce Springsteen's Nebraska écrit par Warren Zanes. Cet ouvrage se penche sur une période difficile de l'artiste, alors que, déjà musicien à succès, mais perdu entre sa notoriété qu'il ne désire pas tant, ses fantômes d'une enfance mal vécue, son sentiment de ne pas avoir de raison de vivre, il éprouva le besoin d'enregistrer un album très intime. Tant au niveau des textes que de la production, l'album Nebraska devait traduire son authenticité, et ne pas être commercialisé 

Le film n'est donc pas un biopic, et Springsteen, comme Cooper, s'en défendent.

Il est le portrait d'un homme en plein burn-out, ce qui est admirablement bien décrit. 

Il donne un visage très touchant, très humain, à cette star qui ne cherche pas à tirer profit de son statut. Qui cherche simplement à créer sa musique, et à la partager telle qu'elle la vit. Sa relation avec son producteur est très intéressante également: l'artiste a besoin d'un producteur qui le comprenne, croit en lui et sache l'aider à mettre en forme et promotion ses créations. Cette relation est montrée comme une véritable amitié, sincère et profonde. Nécessaire. 

La rencontre avec Faye, fan paisible, dont l'amour et sincère, dénué d'intérêt, lui offre une parenthèse de "normalité", de vie de famille telle qu'il aurait rêvé en connaître. Mais elle s'avère être un déclencheur de sa prise de conscience. Et si elle a une réelle importance dans la vie de Bruce Springsteen, telle qu'elle est mise en scène en tout cas, l'histoire ne semble pas dire qu'ils parviendront à se retrouver. 

Terminer l'album Nebraska a permis à Bruce Springsteen de mettre de l'ordre dans ses sentiments, de comprendre la complexité de ses relations avec son père, et de lui donner la possibilité de continuer sa vie d'artiste avec une plus grande sérénité. 

Le scénario est la base de la réussite de ce film, sa mise en scène est forte d'une direction d'acteurs sensible et juste. Je ne suis pas particulièrement touchée par la musique de Spingsteen, mais j'ai aimé ce film pour son humanité.