A l’occasion d’Halloween, le cinéma Le France de Thonon-les-Bains et le Silencio Club Ciné se sont unis une fois de plus pour présenter cette fois-ci le film Massacre à la tronçonneuse (The Texas Chainsaw Massacre) de Tobe Hooper. Il était présenté par Alexandre Ruffier, critique de cinéma pour les revues "24 images" et "Le Rayon Vert"
Contexte de l'événement et présentation
L'événement était une projection organisée en collaboration avec plusieurs entités, incluant le cinéma Le France, la web radio Good Morning Evian (qui prévoit une émission sur le film), et le ciné-club Silencio (qui a préparé le quiz et invité M. Ruffier). La soirée s'est déroulée dans une ambiance décorée pour Halloween, grâce à l'équipe du France : Lydie, la projectionniste, avait préparé une bande sonore d'introduction incluant un bruit de tronçonneuse et des extraits de films du genre.
Alexandre Ruffier a tenu à rendre hommage au réalisateur Peter Watkins, décédé le jour même à 90 ans. Il le considère comme l'un des plus grands cinéastes de l'histoire, connu pour ses films politiques comme Punishment Park et La Commune.
Analyse et thématiques du film
Le choix du film
Le choix de diffuser ce film pour Halloween, 50 ans après sa sortie, s'explique notamment par une belle restauration 4K réalisée l'année précédente. Le titre même, Massacre à la tronçonneuse, confère au film une aura particulière.
La censure et la distribution en France
Le film, sorti en 1974, a eu une histoire compliquée en France. Il a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, mais son visa a été retiré une semaine après sa sortie. La ministre de l'époque, Françoise Giroux, l'a refusé, puis lui a accordé un visa X (classé pornographique), interdisant sa diffusion en salle jusqu'en mai 1982. Techniquement, il n'a jamais été censuré car il fut rapidement distribué en VHS par René Château en 1979. Il n'obtint un visa d'exploitation pour une sortie en salle qu'en 1982. Le comité de l'époque a justifié cette décision en affirmant que d'autres films plus violents étaient sortis depuis, rendant la classification initiale inadéquate.
La violence et l'approche documentaire
Tobe Hooper, le réalisateur, souhaitait initialement obtenir une classification protégeant les moins de 12 ans (accord parental souhaité, film déconseillé aux moins de 12 ans), PG 13 aux États-Unis. Le film est en réalité très peu gore, avec peu de sang ou de gros plans sur des plaies ouvertes, contrairement à ses suites. La violence perçue par les censeurs français était plutôt d'ordre psychologique ou plus crue. Les scènes de meurtre sont brutales et non masquées par de quelconques effets.
Hooper, ayant travaillé dans le documentaire, il utilise un style qui s'en rapproche, notamment avec une caméra portée et beaucoup de grain (le film a été tourné en 16mm, en partie par contrainte budgétaire, mais peut-être aussi pour un effet de réalisme).
Contexte Socio-Politique et Critique du Capitalisme
Le film est fortement ancré dans son époque (1974), marquée par l'atmosphère de défiance aux États-Unis due au Watergate et à la guerre du Vietnam. L'ambition de Hooper était de critiquer la couverture médiatique sensationnaliste des faits divers (True Crime) qui éclipsait les événements politiques majeurs. Le carton de début annonçant que le film est inspiré d'une histoire vraie (une légende associée au film) sert cette ambition satirique.
Le film contient également une critique subtile du capitalisme et du travail. La famille cannibale (les Sawyer, selon le second film) n'est pas présentée comme des monstres surnaturels, mais comme des humains détruits par leur environnement, la chaleur du Texas et le travail épuisant de l'abattoir. La violence qu'ils exercent est directement inspirée de la violence infligée aux animaux (utilisant un marteau pour les assommer, par exemple). L'idée du cannibalisme pourrait symboliser l'expression « dog eat dog », illustrant un pays en crise où les gens se "bouffent" les uns les autres pour un gain minime.
Le film dépeint aussi un choc entre deux Amériques : les jeunes (assimilés aux hippies) voyageant en van et la famille rurale et réactionnaire.
Caractéristiques de mise en scène
Bande Sonore Éprouvante : La bande son, jugée "dingue" par un spectateur, utilise des sons réels enregistrés dans un abattoir, mélangés aux bruits diégétiques de la tronçonneuse et du générateur, créant une ambiance de violence continue. Le film cherche à être physiquement éprouvant et exténuant pour le spectateur, notamment par un montage agressif fait de gros plans et d'enchaînements rapides.
Humour : Le film présente un décalage humoristique, particulièrement dans les scènes finales, qui ajoute à l'horreur en rendant le quotidien des tortionnaires à la fois drôle et grotesque. La séquence du passage du camion par exemple a fait réagir plus d'un spectateur.
Le rôle de Leatherface : Le personnage de Leatherface (Face de Cuir, l'homme à la tronçonneuse) est dépeint comme un individu puissant mais mentalement faible, soumis à son père et manipulé. Il n'est pas le véritable monstre, mais plutôt un enfant maltraité. Le vrai monstre n’est-il pas le père qui le manipule ?
Héritage slasher : Le slasher-movie est un sous-genre du film d'horreur. Il met en scène les meurtres d'un tueur psychopathe, parfois défiguré ou masqué, qui élimine méthodiquement les membres d'un groupe de jeunes ou d'autres personnes, souvent à l’arme blanche et principalement pendant la nuit. Bien qu'il ne soit pas strictement un slasher, Massacre à la tronçonneuse est un précurseur essentiel du genre, ayant établi des codes comme la "Final Girl" (qui survit souvent par chance) et l'utilisation d'une arme blanche (la tronçonneuse). Il se distingue des slashers ultérieurs par l'absence quasi totale de jump scares. En effet, même si certains spectateurs en ont trouvés quelques-uns bien efficaces, on est rarement effrayé au point de sursauter!".
La performance de Sally : L'actrice qui joue Sally (la Final Girl) est jugée très convaincante, particulièrement dans ses cris. Sa performance est renforcée par la mise en scène, notamment par des énormes gros plans sur ses yeux, une image impressionnante qui rappelle une scène du "Chien Andalou" de Buñuel.
Défauts et "radi-qualités"
Certains spectateurs ont trouvé que le film avait moins bien vieilli que d'autres classiques de l'époque (comme La Nuit des morts-vivants, sorti une décennie plus tôt), notamment à cause d'une demi-heure d'introduction lente. Cependant, le côté rugueux, le montage parfois imparfait et l'agressivité sonore (potentiellement délibérée ou due aux contraintes budgétaires) confèrent au film une authenticité sidérante et une qualité radicale qui continue de captiver 50 ans plus tard.
Conclusion
Massacre à la tronçonneuse est considéré comme une pierre angulaire du cinéma d'horreur, dont l'impact tient moins à son gore qu'à sa violence psychologique, sa critique sociale acerbe de l'Amérique des années 70 et son style documentaire éprouvant.
Le film agit comme un miroir déformant de la société américaine de l'époque, où l'horreur naît du choc entre l'innocence et la sauvagerie rurale, tout comme l'utilisation d'une tronçonneuse (un outil du travail) pour massacrer des humains amplifie la critique du capitalisme qui épuise et déshumanise.
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