vendredi 21 février 2025

Après la séance "Les Sentiers de la Perdition"

 

         





"Road to Perdition", littéralement "Route vers Perdition", un lieu. Quel nom étrange pour un endroit, celui pourtant d'une ville fantôme dans l'Illinois. Appellation prédestinée semble-t-il, qui apparait dans le titre du roman graphique de Max Allan Collins et Richard Pierce Rayner (2011).  "Les sentiers de la perdition", ou la route de la vengeance suivie par Michael O' Sullivan. Personnage fictif, il incarne le meilleur tueur à gages du gang Looney, allié de Al Capone. Surnommé l’Ange de la Mort, il entre de son vivant dans la légende du crime organisé. Jamais un soldat n’avait été aussi loyal. Jamais un exécuteur n’avait été aussi efficace. Jamais un homme, victime d’une odieuse trahison, ne s’était montré aussi déterminé à aller jusqu’au bout de sa vengeance…" (Babelio)  

Un même destin, une même histoire racontée de deux manières différentes. Si Collins et Rayner ont choisi pour leur roman une image contrastée et graphique en noir et blanc, Sam Mendès a donné à son film une image sombre et lugubre, dégoulinante d'une pluie insistante et diluvienne. C'est une question d'interprétation, de langage, de décisions. L'approche cinématographique de Mendès lui est bien personnelle. Réalisateur de plusieurs James Bond, il est aussi l'auteur d'un film remarquable, 1917 (2019), tourné comme en un seul plan suivant un soldat. Sam Mendès sait filmer l'action, les armes, les coups de feu. Il sait aussi donner la couleur du crime organisé, de la violence, l'atmosphère des nuits de vengeance.

Il s'agit ici de son deuxième film, après American Beauty (2000), et l'on retrouve déjà une esthétique bien particulière. 
Ambiance sombre et malaisante, violence voilée. Des références culturelles évidentes (ici, La Mort de Marat, l'univers de Hopper, le couple de paysans "American Gothic" de Grant Wood...) magnifient son image. On peut retenir la scène de "nettoyage" dans la rue, de nuit, sous la pluie. Un décor d'où se détachent les silhouettes noires des mafieux, comme des personnages de papier découpé, véritables marionnettes de leur destin. 
On retrouve des réminiscences de westerns "à la Sergio Leone": les longs manteaux, les très gros plans sur les regards, les villes (Chicago), les intérieurs qui "transpirent" l'attente inquiétante, la fausse quiétude, nonchalance. Ne pas réveiller le chacal. On est exposé derrière les fenêtres, d'où l'on observe, d'où l'on VOUS observe. Vous êtes une cible, ou le témoin d'un crime. 
Vous êtes Michael, l'enfant, le fils, qui grandira trop vite.

Car le sens de la filiation est l'axe principal du film:
Pères et fils, père ou Parrain, père adoptif, père orphelin.
Père qui apprend. L'un à conduire, l'autre à tuer. L'un à mener, l'autre à sauver. Après s'être vengé.
Et fratrie fabriquée. Frustration, jalousie, haine.
Et fratrie protégée. Admiration...exécution, et tout s'enchaîne.

Musique et effets sonores sont acteurs de la mise en scène. On n'entend pas les balles mais on voit les éclairs, on voit les cartouches, on voit la guerre.
On voit le crime par le regard de l'enfant, par le soupirail, par le reflet, la porte entrouverte...
On voit l'eau qui dégouline, qui inonde et qui noie. Une goutte de peur muette, un déluge de tempête sourde. On voit, on entend. On n'entend pas ce qu'on voit. On ne voit pas ce qu'on entend.

Le crime organisé qui sévit en cette époque de Grande Dépression semble régi par une force inhumaine. Créant des soldats sans âme. Mendès a le génie de le personnifier.  Sous les traits de Jude Law.
Un personnage qui n'existe pas dans le roman. La personnification de la folie meurtrière, 
de la psychose assassine.  Voyeurisme de l'exécuteur. Le dollar danse entre ses doigts. Et s'amuse avec un air moqueur. Une machine démoniaque que rien n'arrête, ou presque. La commande est lancée: démence. Que signifie la loyauté en un monde mené par la puissance? 

Sombre résonnance...












 

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